Il était tard, le soleil se cachait lentement derrière l'horizon... Un petit individu sillonait cependant les rues d'Abelheim. Il portait un ample chapeaux orné d'une plume qui cachait avantageusement son visage, une petite cape et des bottesde cuir souple. Cependant, on voyait brillé à la lueur de la lune naissante, deux petits yeux jaunes. La démarche souple et agile, il progressait dans l'ombre vers le grand marché encore grouillant de monde malgré l'heure tardive. C'est a ces heures là que se vendent les objets les plus alléchants, quand les vigiles somnolent, et que le marché noir fait son entrée.
Anarion scrutait les étales faits à la va vite, regardant les marchands qui vantaient leur produits sur la magie noire, ou la sorcellerie quelle qu'elle soit. Il remarqua alors un marchand un peu à l'écart. Il n'avait ni étale, ni produits devant lui. Il était assis contre un mur, l'aspect miteux. A l'approche d'Anarion, il leva des yeux injectés de sang, comme s'il n'avait pas dormi depuis des jours. Sa figure faisait peine à voir, tant les cernes sous ses yeux étaient immenses. le Shaamah remarqua alors une cape noire soigneusement pliée devant les jambes du pauvre vendeur, avec un bout de parchemin miteux indiquant son prix. Le shaamah se pencha légèrement et saisit le vêtement sous le regard vide du misérable qui n'esquissa pas même un geste. Au moment ou ses doigts effleurèrent le tissu, il éprouva une sorte de gêne, un sentiment de tristesse mélancolique... Le tissu coulait sous ses pattes comme de l'eau, quelle légèreté.. Une attache d'argent orné de symboles en langue inconnue attira l'attention d'Anarion. Cette cape valait surement son prix, et ses sens plus dévelloppés que la moyenne des êtres communs éveillèrent un intérêt particulier chez le Shamah pour cette cape. Il y sentait comme une grande puissance, malgré cette sensation bizarre qu'il éprouvait au creux de l'estomac.
- Combien me la donnez vous ?
Le pauvre marchand le regarda d'un air abattu et marmonna difficilement quelque chose qui ressemblait à "Cent pièces"... Ne se sentant pas le coeur à dérober cette cape qui inspirait le respect, Anarion honora la requête du misérable, et laissa tomber sa bourse à ses pieds. Il plia la cape, et repartit. Après quelques pas, la voix enrouée du marchand le héla.
- Cette cape n'apporte que le malheur...
L'homme parlait en connaissance de cause. Depuis que la cape était en sa possession, sa lignée s'était éteinte. Sa femme s'était suicidée, ses fils avaient disparut. Ses frères avaient quitté la ville pour un village lointain, et plus aucun signe de vie. Plus de famille... Le marchand se releva avec peine, puis s'en alla avec un sourire édenté. Après quelques pas de sa démarche vacillante, il s'écroula comme une poupée de chiffon. De loin, Anarion entendit un râle étouffé, comme l'expiration d'un mourant. Le Shaamah s'approcha en douce dans l'ombre de la ruelle, mais ne trouva rien. Aucune trace, le vieux miséreux s'était volatilisé. A ce moment, une brise glacée souffla et fit virevolter la cape, provoquant comme un gémissement lointain... Anarion frissona puis chassa la superstition de son âme aventureuse. Il sortit de la ville, l'esprit troublé par ses reflections...
Le malheur, peut être bien... Cette cape était décidemment bien mystérieuse, et obtennue dans des conditions plus que déroutantes. Mais quelque chose lui disait tout bas qu'elle lui apporterait surement bien plus que de la chance. Un pouvoir, immense, attrayant... Un objet qui apporte le malheur, c'est utile.
Se faufilant à travers les bois pour rentrer à Min'Raza, le Prince des voleurs se rendit compte de la valeur de son bien nouvellement acquis, pour lui et pour Min'Raza...
